mardi 3 juin 2008

Les attaques suicides




L'attentat-suicide est un attentat dont la réalisation implique la mort de son auteur. Il est le plus souvent organisé par des groupes militaires ou paramilitaires dans le but de déstabiliser les institutions établies par une partie considérée comme ennemie.

I) Historique :

L'attentat-suicide est parfois assimilé, à tort, à des méthodes japonaises pratiquées lors de la Seconde Guerre mondiale dans l'océan Pacifique contre les troupes américaines. Les pilotes kamikazes japonais utilisaient leurs avions pour percuter des cibles stratégiques de l'armée américaine. L'attaque kamikaze est une tactique militaire sur des cibles militaires dans une guerre qui est un état de droit avec un début, une fin, des belligérants déclarés et des règles (comme celles de la Convention de Genève) dans un espace défini.

L'attentat, lui, est un acte délictueux, voire criminel selon les sensibilités. En tout cas, il ne s’agit nullement d’un acte prenant part à une guerre mais plutôt d’un acte de revendication.

Le terme est apparu dans les années 1940 pour designer certaines techniques utilisées par les nazis et les japonais mais le sens actuel n’est apparu qu’en 1981.

L’attentat-suicide était originellement conçu comme méthode de guerre contre l’occupant israélien puis « onusien » au Liban en 1982, au Sri Lanka en 1987, en Palestine en 1994 après la tuerie de la mosquée d’Hébron, en Turquie en 1995, au Cachemire en juillet 1999, en Tchétchénie en 2000, pour s’étendre en Russie en 2002 et en Irak en 2003.

Il devient méthode terroriste « indirecte » contre les Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie en 2001, contre la France au Pakistan, contre l’Australie en Indonésie en 2002, et au Maghreb en avril et en mai 2002. Il constitue une méthode de guerre civile ou interreligieuse en Arabie saoudite ou au Pakistan depuis des années et en Irak depuis 2003.

Il peut même être utilisé pour exécuter des « contrats » comme l’assassinat du commandant Massoud par Al Qaïda à la veille de la plus médiatique des opérations suicide.

L’attentat du World Trade Center et de Washington a associé des kamikazes de six nationalités (plus d’une quinzaine avec la logistique) et les 3052 victimes sont d’une centaine de nationalités différentes.

Ainsi le groupe « créateur » des attentats suicide moderne est le groupe libanais chiiteHezbollah. Mais cette tactique aujourd’hui s’est répandue dans le monde entier et s’est décliné sous différentes formes (voir paragraphe suivant).

Dans Dying to Win: The Strategic Logic of Suicide Terrorism, Robert A. Pape considère que les attentats suicides ne sont pas liés au fondamentalisme islamiste où à n'importe quel aspect religieux mais plutôt à contraindre les démocraties modernes à retirer leurs forces militaires du territoire que les kamikazes considèrent comme leur patrie et d'arrêter l'occupation de ces territoires. Il pense que ce type d'attentat n'est pas lié à un aspect religieux mais nationaliste sur «colère profonde» devant la présence de forces d’occupation. Il fait une analyse des attentats suicides et trouvent que la majorité des attentats suicides ont été commis par des non-musulmans. Ce sont les tigres tamuls qui ont commis le plus grand nombre d'attentats. Il analyse également les attentats suicides commis par le Hezbollah commis entre 1982 et 1986 : 71% ont été commis par des chrétiens, 21% par des communistes ou des socialistes et seulement 8% par des islamistes.

II) Les différentes tactiques :

Comme nous l’avons vu précédemment, l’attaque suicide se décline sous plusieurs forme et il est malheureusement fort probable que les groupes terroristes inventent de nouvelles tactiques dans les années à venir.

Pour commencer nous allons citer des tactiques connues.

L’attaque suicide à pied avec une ceinture d’explosifs.

L’attaque avec une ceinture d’explosifs mais à bord d’un avion, comme Richard Reid sur le vol Paris-Miami (American Airlines 63).

L’attaque avec une voiture piégée, comme l’attaque à Beyrouth en 1983.

L’attaque suicide avec un bateau, comme l’attaque contre le destroyer USS Cole dans le golf d’Aden en 2000.

Le détournement d’avion dans un but de mission suicide, comme le détournement des avions le 11 septembre 2001.

La conduite d’un bus dans un ravin, comme le bus 405 entre Tel Aviv et Jérusalem.

L’attaque suicide par des hommes armés, comme en décembre 2001, lorsque des insurgés kashmiris ont pénétrés dans le parlement Indien.

Le coût d’organisation est faible, environ 150 dollars, selon les calculs israéliens. Le rapport coût d’organisation/dommages des attaques du 11 septembre 2001 se révèle impressionnant puisque, pour une dépense de moins de 1 million de dollars, les pertes économiques totales pour les Etats-Unis sont estimées à 40 milliards de dollars.

C’est pour cela que l’attentat suicide est très utilisé dans les conflits asymétriques, lorsqu’un groupe plutôt pauvre s’attaque à un groupe plus puissant financièrement et militairement. On donne parfois le nom de « bombe guidée du pauvre » à ces attentats en référence aux armes guidées qui constituent les arsenaux des armées modernes.

Les organisations en lutte contre des oppresseurs perçus comme tous puissants, ont donc ajouté très rapidement cette tactique à leur stratégie.

Nous allons voir dans le paragraphe suivant le cas de l’islam radical.

III) L’utilisation moderne par l’islamisme radical :

Ainsi le Hezbollah est le créateur des attaques suicides modernes mais comme nous l’avons vu, cette tactique s’est répandue dans le monde entier dans le contexte géopolitique actuel, nous allons voir en particulier l’usage fait par l’islamisme radical et la déformation de la pensée religieuse qui est mise en place.

Selon le Coran, celui qui donne sa vie pour l’Islam se verra pardonner tous ses péchés et une place lui sera réservée au paradis. Il est appelé chahid (martyr) et comme le dit également le Coran, il pense que le paradis se trouve dans l’ombre des sabres.

Bien que le suicide soit interdit dans l’Islam comme dans le catholicisme, il est recommandé de combattre l’oppresseur. Le Prophète Mahomet a également interdit de blesser les passants innocents même en temps de guerre.

Abdul Aziz ben Abdullah al Cheik, le leader spirituel suprême en Arabie Saoudite, a édicté une fatwa (édit religieux) qui déclare que l’attaque suicide n’est qu’une forme particulière de suicide et ainsi, le rend illégal au nom de l’Islam.

La figure du chahid remplace progressivement celle du combattant. Cette étape nécessaire au recrutement et à l’acceptation par la population est le résultat conjoint des troupes occupantes qui entretiennent une ambiance de mort et de la sacralisation des résistants par le milieu associatif et religieux local. Ainsi les volontaires en puissance voient dans leur suicide un exutoire à leur vie de souffrance.

Le chahid fait également ce suicide pour la communauté à laquelle il appartient. Un ensemble plus ou moins politisé mais structuré qui revendique un territoire sous le joug d’un occupant.

Les jeunes élites diplômées qui pensent se sortir du territoire où sévit la violence mais où est leur famille, ont un sentiment de désertion qui permet de facilité le recrutement de jeunes gens qui avec leurs connaissances apporterons beaucoup à l’organisation même s’ils reviennent au final pour faire le sacrifice de leur vie.

En ce qui concerne les mouvements transnationaux qui utilisent les tactiques d’attaques suicides, ils remplacement simplement l’identité nationale par l’identité de tous les croyants, l’Oumma.

La mosquée, le cybercafé deviennent des lieux de rencontres, d’échanges avec d’autres musulmans pour des jeunes issus de familles d’immigrés qui ont perdu leur attachement culturel mais qui cherchent à le retrouver.

Ces personnes sont alors manipulées par une sorte d’appel au retour aux racines qui se finit par le sacrifice pour la cause.

L’utilisation de l’attentat-suicide témoigne aussi d’une vie sans issue. La légitimité religieuse ou sacrificielle est alors vécue comme supérieure à la légitimité patriarcale.

Pour conclure, l’attentat suicide trouve sa double justification dans le commandement religieux détourné mais surtout dans la réalité politique dans laquelle les candidats aux martyrs sont éduqués. C’est pour cela qu’il est très difficile de se protéger de ce type d’attaque, comme nous allons le voir au paragraphe suivant.

IV) Moyens de défenses :

Il existe en vérité très peu de moyens de défense contre les attentats suicides. Aucun n’est réellement efficace. Si l’on considère que la personne est prête à mourir pour la cause qu’elle défend, les autorités ne peuvent pas faire grand-chose.

La solution la plus simple est de tuer ou de désarmer le martyr avant qu’il ne puisse arriver à portée de sa cible, mais se pose alors le problème de la détection des armes ou explosifs qu’il porte.

Les fouilles et les détecteurs de métaux dans les aéroports sont les plus répandus des techniques mais de nouvelles technologies sont apparues.

On peut notamment signaler qu’en 2004, une firme israélienne International Technologies Lasers a mis au point un spectromètre basé sur un laser et qui permet de détecter les particules émises par des substances comme les explosifs, la drogue ou les minerais.

On peut ainsi imaginer un système se basant sur un de ces spectromètres qui détecterait les résidus sur les mains des terroristes et qui permettrait de les identifier à distance respectable contrairement aux portiques d’aéroport ou autres qui demandent à ce que la personne soit déjà dans l’enceinte du lieu à protéger.

Le plus sûr moyen de protection contre les attentats suicides reste de décourager les adversaires de faire usage de cette technique mais cela demande des mesures plus politiques que réellement stratégiques.

Glossaire :

Chiisme : constitue l'une des trois principales branches de l’Islam avec le sunnisme et le kharijisme; il regroupe environ 15 % des musulmans. Les figures importantes du chiisme Imamite (majoritaire) sont le Prophète Mohamad ainsi que sa fille Fatima et les 12 Imams issus de la famille du prophète. C’est le courant majoritaire en Iran, Irak Azerbaïdjan et Bahreïn.

Conflit asymétrique : C’est une guerre qui oppose la force armée d'un Etat à des combattants matériellement insignifiants, qui se servent des points faibles de l'adversaire pour parvenir à leur but souvent politique ou religieux. Les guerres asymétriques englobent notamment le terrorisme et se distinguent des guerres entre États. Il a été théorisé à la fin des années 1989 par le concept de guerre de quatrième génération (voir l’article La guerre de quatrième génération).

Spectromètre : C’est un appareil de mesure qui permet de décomposer une quantité observée — un faisceau lumineux en spectroscopie, ou bien un mélange de molécules par exemple en spectrométrie de masse — en ses éléments simples qui constituent son spectre.

Sources :

-Aux origines des attentats-suicides, Pierre Conesa, Le Monde Diplomatique, Juin 2004

-What makes suicide bombers tick?, Ellis Shuman, June 4, 2001, (http://www.israelinsider.com/channels/security/articles/sec_0049.htm)

Par AD pour GlobalAnalysis

Aucun commentaire: