lundi 11 juillet 2011

Les enjeux du Sud-Soudan

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À la suite du référendum d'autodétermination organisé du 9 au 15 janvier 2011, le ‘oui’ recueillant 98% des suffrages, le Sud-Soudan a accédé à l'indépendance de la République du Soudan le 9 juillet 2011. Ce nouvel Etat est le 193ème à rejoindre les Nations Unies, sa capitale est Juba. Il a une superficie de 619 745 km2 et une population estimée à 8,26 millions d'habitants.

XXème et XXIème siècle
De 1899 à 1956, le Soudan était administré conjointement par l’Egypte et le Royaume Uni. A l’indépendance, le conflit entre le nord musulman et le sud à majorité chrétienne et animiste se révèle. Le gouvernement de Khartoum revint sur les promesses d'autonomie au sein d'un État fédéral qu'il avait faite aux populations de la région. Une mutinerie d'officiers sudistes déclenche la Première Guerre civile soudanaise qui durera de 1955 à 1972. Ce premier conflit prend fin à la suite des accords d’Addis-Abeba  qui accorde au Sud-Soudan un certain degré d'autonomie.

En 1983, le colonel Gaafar Nimeiry au pouvoir à Khartoum depuis son coup d'État de 1969, décide unilatéralement d'étendre au droit pénal, le domaine du droit musulman qui était cantonné depuis la colonisation au droit personnel. Cette décision déclenche la Seconde Guerre civile qui embrase alors le pays jusqu’au cessez-le-feu signé en 2002, consolidé trois ans plus tard, le 9 janvier 2005, par un accord de paix signé à Naivasha, au Kenya.
La rébellion menée par l'Armée Populaire de Libération du Soudan (APLS) dirigé par John Garang, un vétéran de la première guerre civile, est largement soutenue par les États-Unis. Malgré la scission de son mouvement en 1991, Garang maintient la lutte contre le régime de Khartoum qui, après le coup d'État du général Omar Al-Béchir en 1989, s'oriente de plus en plus vers l'idéologie islamiste.
Ce conflit aurait fait 2 millions de morts, provoqué le déplacement de 4 millions de civils et déclenché une famine en 1998.
 
Évènements récents
L'accord de paix signé au Kenya en 2005, accorde au Sud-Soudan une large autonomie pendant six ans, période au bout de laquelle les habitants de la région doivent être conviés à un référendum d'autodétermination. John Garang devient vice-président du Soudan, mais meurt six mois plus tard dans un accident d'hélicoptère. Il est remplacé dans l'ensemble de ses fonctions par Salva Kiir.
Entre la publication des résultats du référendum et l'indépendance, les autorités du Soudan et du Sud-Soudan se mettent d'accord sur des dossiers sensibles tels la délimitation des frontières, le statut de la région pétrolifère d'Abyei, le statut des populations de chaque futur État, vivant sur le territoire de l'autre.
Le 9 juillet 2011, le Sud-Soudan devient un Etat. Salva Kiir, le président ratifie la constitution approuvée le 7 juillet par le parlement.

Enjeux géopolitique
L’indépendance du Sud-Soudan fait perdre au Soudan environ un tiers de sa superficie et l'essentiel de ses ressources pétrolières. La région d’Abyei prévoit de tenir son propre référendum pour décider si elle se joint au Sud-Soudan ou si elle souhaite rester dans le giron de Soudan. Mais ce référendum prévu en même temps que le reste du pays à été reporté sine die suite à la prise militaire par le Nord-Soudan de la région en mai.
Le problème est que les trois quarts des 470.000 barils produits chaque jour par le Soudan, proviennent du Sud. Mais Khartoum possède sur son territoire les raffineries qui exploitent le pétrole extrait dans le sud. Le seul pipeline existant dans le Sud-Soudan part en direction du nord. À ce titre, Khartoum exige de conserver 50 % de la manne et essuie un refus de Juba. Le gouvernement du Sud lui, pense se tourner vers le Kenya au sud ou l’Éthiopie à l’est mais rien n'est décidé tant le coût et les délais apparaissent importants.
Ce sont les Chinois qui pourraient tirer leur épingle du jeu. En effet, ceux-ci sont déjà présents au Soudan et proposent habituellement aux États africains d’échanger leur accès au pétrole contre la construction d’infrastructures ce dont manquent terriblement le pays.

Et la deuxième ressource du pays ce sont ses terres arables. Sous- exploité pour cause de guerre civile, elles ne sont utilisés que pour des cultures vivrières. Mais depuis 2007, 9% de la superficie totale du nouvel État aurait déjà été attribués à des firmes étrangères, soit 5,74 millions d'hectares, selon l’ONG Norwegian People's Aid. Dans un pays où tout est à construire, le gouvernement se décharge ainsi d’une partie de l’exploitation de ses territoires sur des entreprises étrangères. Mais ces terres sont également riches en minerais. Le sous-sol renferme du fer, du cuivre, du chrome, du zinc, du tungstène, du mica, de l'argent et de l'or. Et rien ne permet alors d'affirmer que ces entreprises exploiteront les terres arables pour produire de la nourriture et qu'elles ne profiteront pas du sous-sol au dépens des populations locales.

Analyses et perspectives
Après une indépendance durement acquise, tout reste à faire. On estime que la majorité des 8,26 millions d'habitants vit avec moins de un dollar par jour. Par ailleurs le taux d’alphabétisation est proche de 15%, le plus faible du monde.
La population est composée majoritairement de tribus animistes nomades qui s'affrontent régulièrement pour le contrôle du bétail ou des points d'eau. La secession d'avec le nord ne résout qu'une partie des problèmes inter-ethniques.
98% des revenus de l’État viennent du pétrole. Hors, comme nous l’avons vu ces revenus sont disputés avec le nord.
Néanmoins, la manne pétrolière intéresse les puissances occidentales, qui espèrent la naissance d'un nouvel allié à la frontière du problématique État du Nord, en guerre au Darfour et suspecté de redevenir un sanctuaire terroriste. Le Sud-Soudan intéresse aussi les Israéliens, ravis de pouvoir compter sur un nouvel allié alors que le Soudan d’Omar Al-Béchir se rapproche de Téhéran.
Mais il faudra également compter avec la Chine déjà présente dans la région et dont l’appétit pour l’or noir va grandissant.

Sources :
- Wikipédia, l’encyclopédie libre
- The World Factbook, CIA
- Pierre Prier – “Sud-Soudan naissance d’une nation” – Le Figaro – 24 juin 2011 http://www.lefigaro.fr/international/2011/06/25/01003-20110625ARTFIG00002-sud-soudan-naissance-d-une-nation.php
- Tanguy Berthemet – “Le Sud-Soudan, sitôt né, pense déjà à la guerre” – Le Figaro – 8 juillet 2011 http://www.lefigaro.fr/international/2011/07/08/01003-20110708ARTFIG00652-le-sud-soudan-sitot-ne-pense-deja-a-la-guerre.php
- Gabriel Kenedi – “Terres fertiles, pétrole : le Sud-Soudan, pays neuf à vendre” – Rue89 – 8 juillet 2011 http://www.rue89.com/2011/07/08/terre-petrole-sud-soudan-pays-neuf-a-vendre-212982
- Le nouvel Observateur avec AFP – “SUD-SOUDAN. Qui est le 54e état africain?” – Le nouvel Observateur – 8 juillet 2011 http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20110708.OBS6751/sud-soudan-qui-est-le-54e-etat-africain.html
- Christophe Châtelot – “Quelles relations entre le Soudan et le nouvel État du Sud Soudan?” – Le Monde – 9 juillet 2011 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/07/09/quelles-relations-entre-le-soudan-et-le-nouvel-etat-du-sud-soudan_1546677_3212.html#ens_id=1067666&xtor=RSS-3208

Par AD

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