vendredi 23 septembre 2011

La Palestine peut-elle devenir un État ?





Le 23 septembre 2011 à l’ONU Mahmoud Abbas va demander au Secrétaire Général Ban Ki-Moon de mettre à l’ordre du jour du Conseil de Sécurité l’adhésion comme membre de l’État Palestinien. Les États-Unis ont menacé d’utiliser leur droit de veto et les autres membres comme la France et le Royaume Uni n’ont pas clarifié leur position.

Cette reconnaissance, si elle a lieu, permettrai aux Palestiniens de se défendre d’égal à égal (du point de vue du droit international) face à Israël. Les négociations de paix se feraient sous l’égide de l’ONU au lieu de Quartette (USA, Russie, Union Européenne, ONU) et cela donnerait accès aux Palestiniens à toutes les institutions sous l’égide de l’ONU et en particulier la Cour internationale de justice. Mais surtout cela renforcerai sa crédibilité en tant que leader aussi bien en interne (face au Hamas qui contrôle la bande de Gaza) qu’à l’extérieure (notamment face à Israël qui s’est souvent plaint de ne pas avoir d’interlocuteur fiable).

L'ONU
L'ONU n'a pas le pouvoir de décider de la légitimité ou non d'un gouvernement, elle se prononce uniquement sur l'admission ou non dans ses rangs en tant que membre. La procédure d'adhésion se fait en plusieurs étapes : le candidat à l'adhésion doit présenter au secrétaire général des Nations Unies une demande accompagnée d'une lettre attestant officiellement qu'il accepte les obligations de la Charte. Le tout est transmis au Conseil de sécurité, qui examine la requête et décide ou non d'émettre une recommandation en faveur de l'admission. Pour être valable, le texte doit avoir été adopté par 9 des 15 membres du Conseil (sans qu'aucun des cinq membres permanents ne mettent son veto). Il est ensuite soumis à l'Assemblée générale, où un vote favorable à la majorité des deux tiers est nécessaire pour que l'adhésion soit effective.

Dans le cas de la Palestine, si les USA usent de leur veto comme ils l'ont indiqué. La procédure sera bloquée. Ce type de situation arrivait fréquemment pendant la Guerre Froide où les Américains bloquaient l'adhésion des membres proposés par l'Union Soviétique et Moscou bloquait les adhésions sponsorisées par Washington.

Il existe néanmoins une deuxième catégorie de pays qui sont les observateurs permanent. Cette position  confère le droit d'assister à la plupart des réunions de l'Assemblée générale, mais elle n'autorise pas à voter. Des pays comme l'Autriche, la Finlande, l'Italie ou le Japon en ont longtemps bénéficié avant de devenir membre à part entière de l'organisation. Aujourd'hui, le seul État non membre à jouir d'un tel statut est le Saint-Siège.

En 1974, l'Assemblée Générale a accordé à l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) le statut d'observateur permanent. De plus la Palestine dispose d'une représentation aux Nations Unies, elle a le droit de participer aux travaux de l'Assemblée Générale mais non pas à titre d’État mais celui d'Entité.
Le passage du statut d'observateur permanent à celui d’État observateur non membre ne nécessite pas de vote du Conseil de Sécurité. Il peut être obtenu à la majorité simple lors d'un vote à l'Assemblée générale. La Palestine serait donc reconnue comme État, sans prendre le risque du veto américain, mais ne serait pas membre de l'ONU.

Sauf que Mahmoud Abbas a annoncé qu'il irait demander l'adhésion comme membre de l'ONU. Il rappelle ainsi à Obama à son discours de 2010 où il déclarait vouloir un État Palestinien à l'ONU d'ici à 2011. Sauf qu'entre temps les négociations entre Israéliens et Palestiniens ont échouées et que le plan de paix qui aurait du amener à la reconnaissance de la Palestine est tombée à l'eau avec elles.

Les institutions existantes

Quel que soit la demande mise au vote et le résultat de ce dernier, la vraie question est celle de la réalité sur le terrain. On ne peut pas donner une liste extensive de ce qu’il faut pour qu’une organisation soit un État, néanmoins voici un état des lieux pas forcément exhaustif mais éclairant sur la situation.

Depuis les accords d’Oslo, signé en 1993, la Palestine est administrée par l’Autorité Palestinienne, il s’agit d’un régime mis en place transitoirement et auquel devrait succéder un État Palestinien.
La capitale déclarée de l’Autorité Palestinienne est Jérusalem Est. Cette capitale n’est pas reconnue et la capitale de facto est Ramallah pour la Cisjordanie et Gaza pour la bande de Gaza.
Le régime de l’Autorité Palestinienne se compose d’un président élu par le peuple tous les quatre ans. Il nomme un Premier Ministre qui dirige avec son cabinet (ensemble de ministre).
Le parlement, nommé Conseil législatif palestinien, comprend 132 membres élus à partir de 16 districts électoraux en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Le territoire est découpé également en zones d’autorités. La zone A (2,7% du territoire) est sous contrôle militaire et administration civile des Palestiniens, la zone B (25,1% du territoire) est sous administration civile palestinienne mais sous contrôle militaire israélien et la zone C (72,2% du territoire) relève totalement du contrôle israélien. Sur les zones A et B, l’Autorité Palestinienne assure les services de police, fait fonctionner la poste et les administrations locales (mairies).

En vert foncé les zones A et B, en clair les zones C


Si l’Autorité Palestinienne a un hymne, un drapeau, une équipe nationale de football, elle ne possède pas de douane et ne lève pas ses impôts. Les droits de douane des Palestiniens sont collectés par les ports et aéroports israéliens, les impôts sont également collectés par l’État hébreu. La totalité de l’électricité consommée par la Cisjordanie et 50% de l’électricité de la bande de Gaza est fourni par Israël.

L’Autorité Monétaire Palestinienne (AMP) a toutes les prérogatives d’une banque centrale en matière de crédit et de financement mais elle ne bat pas de monnaie. Les devises utilisées sont principalement le nouveau Shekel israélien, le dinar Jordanien et la livre Égyptienne. Néanmoins, l’AMP a annoncé qu’elle était prête à mettre en circulation une nouvelle livre Palestinienne.

Au point de vue économique, la Palestine est fortement dépendante d’Israël mais la réciproque est également vraie. Les Israéliens exportent pour de 3 milliards de dollars par an vers les territoires palestiniens, ce qui représente le deuxième marché étranger de l’État hébreu.
Israël a besoin de la main d’œuvre palestinienne, jugée travailleuse et bon marché, notamment dans la construction et l’agriculture. 150.000 Palestiniens viennent chaque jour travailler légalement en Israël, des milliers d’autres viennent également travailler clandestinement.
De nombreuses entreprises israéliennes sous-traitent une partie de leur production en Cisjordanie qui offre de faibles coûts de production. C’est le cas notamment du secteur High Tech qui a vu se développer une coopération technologique entre Israéliens et Palestiniens, via des contrats de sous-traitance ou de vente.
Pour les Palestiniens, Israël est le premier partenaire commercial. D’après les chiffres du «Bureau Central des Statistiques Palestiniens», les exportations vers Israël ont représenté 92,7% de la valeur totale des exportations du mois de mars 2011. Elles ont même augmenté de 5,20% par rapport au mois précédent.


Nous voyons donc qu’une reconnaissance à l’ONU ne ferait pas de la Palestine un État pour autant. L’Autorité Palestinienne n’est pas souveraine sur la grande majorité de son territoire, ne dispose pas de forces armées, ne contrôle pas ses frontières. Frontières qui restent à définir car même si le consensus international plaide pour un retour au frontière de 1967 (en fait la ligne de cessez-le-feu de 1949) les Israéliens restent présents sur une grande partie du territoire (soit par le fait des colonies en Cisjordanie soit par le contrôle de Tsahal).
Cette reconnaissance, quel qu’en soit la forme sera une victoire pour Mahmoud Abbas mais une victoire partielle qui ne lui permettra pas forcément d’unir le pays derrière lui. Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, parie sur son échec à l’ONU pour le décrédibiliser.
Le Président de l’Autorité Palestinienne a donc lancé le processus d’adhésion dans le but de déclencher un sursaut diplomatique autour du Proche-Orient et ceci est au moins une de ses victoires.


Sources / Pour aller plus loin :
- Wikipédia, l’encyclopédie libre
- Gilles Paris – Guerre ou Paix
- Site de l'ONU page consacrée à la "Reconnaissance grandissante des droits des Palestiniens par l'Assemblée générale" http://www.un.org/french/Depts/palestine/history5.shtml
- LEMONDE.FR – « État membre, observateur permanent : quel statut pour la Palestine ? » – LEMONDE.FR | 21.09.11 | 19h36   •  Mis à jour le 21.09.11 | 20h38 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/09/21/etat-membre-observateur-permanent-quel-statut-pour-la-palestine_1575235_3218.html
- Jacques Benillouche – « Palestine: scénarios pour l'après 23 septembre » – Slate – 21 septembre 2011 http://www.slate.fr/story/43941/palestine-etat-scenarios-ONU-23-septembre
- Julien Salingue, propos recueillis par Nadéra Bouazza – « A quoi sert un État palestinien sans souveraineté palestinienne? » – L’Express –19/09/2011 http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/a-quoi-sert-un-etat-palestinien-sans-souverainete-palestinienne_1030650.html
- Pierre Haski – « ONU : la Palestine veut être un « membre à part entière » – Rue89 – 16 septembre 2011 http://www.rue89.com/2011/09/16/la-palestine-veut-etre-un-membre-a-part-entiere-de-lonu-222294
- Vincent Hugeux – « L'Autorité palestinienne est une coquille vide » – L’Express – 15/09/2011 http://www.lexpress.fr/actualite/monde/l-autorite-palestinienne-est-une-coquille-vide_1030049.html
- Pierre Haski – « Le 20 septembre, les Palestiniens lancent le défi de leur État » – Rue89 14 août 2011 http://www.rue89.com/2011/08/14/le-20-septembre-les-palestiniens-lancent-le-defi-de-leur-etat-217840
- Jacques Benillouche – « Israël-Palestine: septembre 2011, rendez-vous avec l'histoire? » – Slate – 8 août 2011 http://www.slate.fr/story/42103/palestine-etat-israel-septembre-2011-histoire
- Jacques Benillouche – « Israël-Palestine: deux stratégies pour avoir l'initiative » – Slate – 10 juin 2011 http://www.slate.fr/story/39293/israel-palestine-abbas-netanyahou-strategies
- Hélène Prudhon – « Palestine: un État à l'automne? » – Slate – 22 avril 2011 http://www.slate.fr/story/37207/etat-palestine-septembre-2011
- AD – « Israël et les révoltes arabes : la nécessité d’un État palestinien » – GlobalAnalysis France – 16 mars 2011 http://globalanalysisfrance.blogspot.com/2011/03/israel-et-les-revoltes-arabes-la.html

Par AD

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