mercredi 22 février 2012

Russie et Syrie, les liaisons dangereuses

 
800px-Russia_Syria_Locator.svg

Le 4 février 2012, la Russie a bloqué par son véto une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant le régime du président syrien Bachar el-Assad. Ce véto s'inscrit dans la continuité de la politique de Moscou à l'égard du régime de Damas.
 
Rappel historique
Le soutien de la Russie remonte à l'époque soviétique. En 1963, le parti Baas parvient au pouvoir après un coup d’État. En effet, le parti est clairement communiste et s'aligne sans tarder sur Moscou. Au point de permettre en 1971 à l'URSS de faire mouiller la flotte de mer Noire dans le port de Tartous qui sera la seule base navale soviétique située en dehors de l'URSS.
Après la chute de l'URSS en 1991, les relations entre les deux pays sont incertaines. En effet, Moscou réoriente sa politique étrangère vers l'Europe et les USA. En 2000, avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine et sa volonté de restaurer la grandeur de la Russie, celui-ci renforce les liens avec Damas. En 2005, il décide d'effacer 70% des 12 milliards de dette syrienne envers Moscou en échange de la promesse de Damas d'acheter pour 10 milliards d'armement russe.
 
Enjeux géostratégiques
Le premier enjeu est le port de Tartous. Il est, de nos jours, utilisé par la marine russe non comme une véritable base navale mais plutôt comme une facilité pour le ravitaillement de la flotte russe de la mer Noire en Méditerranée. Son importance stratégique n'est néanmoins pas négligeable puisqu'elle est l'un des derniers avant-poste à l'étranger (avec la base navale d'Odessa en Ukraine) pour l'ex-marine soviétique. Depuis 2009, la Russie rénove la base de Tartous pour en faire un véritable port en eaux-profondes ce qui lui permettra d'accueillir des navires de tonnage plus important comme un porte-avions.
 
Deuxièmement, nous l'avons vu, la Syrie est un exportateur de matériel militaire russe. Alors que les armées russes se fournissent de plus en plus dans les pays étrangers, et en particulier dans les pays de l'OTAN (porte-hélicoptères et fusils français, véhicules blindés italiens, entre autres) au détriment du complexe militaro-industriel local, la Syrie achète aux industries russes. En 2008, par exemple, Damas a signé un contrat portant sur l'achat de missiles tactiques Iskanders, de chasseurs Mig 29, de Yak-130, de systèmes anti-aériens S1E ainsi que de deux sous-marins classe Amur-1650.
Les industries d'armement russes ont subi un retard technologique avec la chute de l'URSS, les compétences techniques de ces industries ont été éparpillées avec l'éclatement de l'URSS et les usines russes ne sont capables que de produire de l'armement rustique qui convient parfaitement aux pays comme la Syrie mais assez peu à l'armée russe. Conservé un régime ami en Syrie permet donc de maintenir un bon client.
 
Enjeux géopolitiques
Mais les enjeux, ne s'arrêtent pas à des considérations stratégiques, la relation russo-syrienne implique également des considérations politiques.
Premièrement, l'allié syrien permet à Moscou, qui soutient également l'Iran, de jouer la carte de l'axe chiite face à l'Arabie saoudite et Israël, deux alliés de longue date de Washington. En effet, bien qu'officiellement laïc parce que Baas, le régime syrien est en fait celui de la minorité alaouite du clan Assad soutenu par les chiites.
Deuxièmement, la Russie, et avant elle l'URSS, a toujours repoussé les tentatives des États occidentaux de faire avaliser par l'ONU des interventions militaires lancées au titre de "l'ingérence humanitaire" de peur de s'y retrouver confronter à son tour.
 
Mais alors que les exactions se poursuivent, l'intransigeance de la Russie pourrait se retourner contre elle. Les opposants syriens brulent des drapeaux russes et le souvenir de la Libye est encore frais. La Russie n'avait pas fait obstacle, se contentant de s'abstenir lors du vote de la résolution 1973, autorisant l'intervention de la coalition menée par le Royaume-uni, la France et les USA. Maintenant que Kadhafi a été renversé, les contrats russes sont renégociés au préjudice de Moscou. La même chose pourrait arriver en Syrie où la Russie a également des intérêts gaziers et pétroliers.
 
Sources :
- Wikipédia, l’encyclopédie libre
- The World Factbook, CIA
- Jacques Benillouche– « Comment l'Iran et la Russie tiennent à bout de bras le régime syrien » – Slate – 13 février 2012 http://www.slate.fr/story/49885/INTERNATIONAL-syrie-anonymous-iran-russie-soutien
- Anne Applebaum – « Russie-Syrie: le jeu des régimes autoritaires » – Slate – 10 février 2012 http://www.slate.fr/story/49785/INTERNATIONAL-syrie-russie-autoritaire
- « Rappel : Cafés stratégiques – Au-delà la Syrie, le grand jeu » – Alliance Géostratégique – 9 février 2012 http://alliancegeostrategique.org/2012/02/09/rappel-cafes-strategiques-au-dela-la-syrie-le-grand-jeu/#more-11246
- Marie Jégo – « La Russie, alliée intangible de la Syrie » – Le Monde – 5 février 2012 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/02/05/la-russie-alliee-intangible-de-la-syrie_1638655_3218.html
 
 
Par AD

Aucun commentaire: